Stratégie digitale

Comment mettre en place une stratégie d’inbound recruiting : l’exemple d’AXA

Publié le 01 février 2021

Par Flavien Chantrel

Muriel Nicou, Responsable Marque Employeur, Marketing & Expériences RH chez AXA, nous livre son retour d’expérience sur la manière dont la marque employeur a opéré le virage de « l’inbound recruiting » en soutien aux + de 5 000 opportunités d’emploi par an en France.

 

inbound recruiting exemple axa
 

Les professionnels du recrutement ont de plus en plus souvent recours à des techniques marketing pour attirer des candidats qualifiés et qui correspondent à leur culture d’entreprise. La marque employeur en est l’illustration parfaite, à la croisée des chemins entre collaborateurs, candidats et clients. Un nouveau concept émerge actuellement fortement dans la sphère RH, celui de l’inbound recruiting. Inspiré de l’inbound marketing, il consiste à produire du contenu à forte valeur ajoutée pour attirer la cible recherchée. Pour mieux comprendre à quoi ressemble une stratégie d’inbound recruiting, nous avons interrogé Muriel Nicou, Responsable Marque Employeur, Marketing & Expériences RH chez AXA. Avec une première place depuis deux années consécutives au classement Potentialpark de la meilleure stratégie digitale RH, ce retour d’expérience est particulièrement intéressant pour comprendre les ingrédients d’une présence réussie.

 

Quel lien existe-t-il entre l’inbound marketing et les ressources humaines ?

Même si les deux domaines peuvent paraitre éloignés de prime abord, de nombreuses techniques ont été transposées du marketing vers les RH ces dernières années. L’expérience est aujourd’hui au cœur des enjeux, que ce soit pour les clients ou pour les candidats. Il existe un cycle de vie du « client » RH, tout comme il existe un cycle de vie du « client » business. Il est nécessaire d’adapter nos réponses et notre communication aux besoins rencontrés lors des différentes étapes de ce cycle.

Dans le recrutement, cela se traduit par la capacité à entrer en contact avec un candidat, à faire sa connaissance, à lui montrer qu’il a un intérêt à nous rejoindre. Il faut être en mesure de le surprendre par du contenu, de faire bouger ses idées reçues, mais aussi de le faire se projeter vers un poste chez nous. Les nouveaux usages issus de l’explosion du temps passé sur le web nous obligent à communiquer différemment pour y arriver. Nous évoluons dans un univers d’infobésité, où les sollicitations sont toujours plus nombreuses. Il est nécessaire de se démarquer et mettre en place des stratégies qui permettront de toucher les candidats avec un contenu qui les intéresse, à leur apporter un service particulier. C’est là que l’inbound recruiting intervient.

 

 

 

Dans quel contexte l’inbound recruiting est-il devenu une problématique importante pour les services RH ?

Cela fait une quinzaine d’années que l’on observe une évolution du marché du recrutement. Auparavant, une marque reconnue s’attendait à ce que les candidats viennent d’eux-mêmes répondre à ses annonces. Sur certains types de profils, la donne s’est inversée. C’est l’entreprise qui a dû se mettre à attirer des candidats, à les « chasser ». Ce sourcing actif, également appelé « outbound recruiting », n’était alors plus l’apanage des cabinets de chasse. AXA a ainsi été un des premiers à créer une équipe interne dédiée à ce sujet. Il s’agissait alors déjà d’approches tournées marketing, puisqu’elles étaient davantage individualisées, personnalisées, ciblées.

Ce sourcing actif est toujours présent, de même que les annonces n’ont jamais arrêté d’être utilisées. Mais un autre besoin s’est développé fortement : celui de travailler sur l’image globale de la société, sur la réalité et l’authenticité de cette image également, pour donner envie d’entrer en contact avec nous. Pour cela, il faut un contenu adapté, au plus proche, au bon moment, et avec de l’attention. Il faut s’intéresser vraiment aux gens, pour qu’ils nous connaissent et qu’ils puissent se projeter suffisamment pour nous faire confiance et nous rejoindre.  Concrètement, par exemple, nous n’étions pas identifiés il y a quelques années comme un recruteur important de développeurs informatiques. Une société d’assurance comme AXA venait moins naturellement à l’esprit des professionnels de la tech que des startups ou pure players. Nous avons donc changé notre approche, en multipliant la présence de nos équipes à des évènements techniques, en mettant à l’honneur nos développeurs sur leurs activités, leurs projets, ou encore sur leurs conditions de travail.

En fait, pour réussir cette approche, il faut se mettre à la place de notre prospect-candidat, et ne pas avoir l’a priori qui pourrait nous pousser à nous dire que notre marque est suffisamment connue pour attirer naturellement. La question est plutôt de savoir si elle est (re)connue sur les métiers qu’elle recrute !

 

 

 

Comment fonctionne l’inbound recruiting chez AXA ?

Avec plus de 5 000 offres d’emploi en France par an et des besoins très diversifiés, de l’IT à l’actuariat en passant par des opportunités d’emploi en tant qu’indépendant, l’approche ne peut être que multicanal et surtout omnicanal, pour coller aux nouveaux parcours candidats. Nous utilisons bien sûr les approches traditionnelles (diffusion d’offres, chasse …), que l’on complète avec une stratégie d’inbound en trois étapes. La première consiste à définir l’écosystème d’entrée, par lequel rentrer en contact avec les candidats ciblés. La deuxième consiste à définir la logique expérientielle qui permettra cette mise en contact. Enfin, la troisième étape est celle de la création d’un contenu d’expertise.

La première étape s’est construite chez AXA à travers nos multiples présences : le site de recrutement qui a été refondu avec des contenus adaptés, un travail spécifique sur le référencement mais aussi sur les réseaux sociaux, et une prise en main des plateformes de e-réputation. Ensuite, nous avons défini une stratégie d’approche par cible. Professionnels de l’IT, mais aussi commerciaux, actuaires … Quels sont leurs centres d’intérêt ? Leurs usages ? La logique expérientielle n’est également pas la même selon l’étape de la vie professionnelle, selon l’expérience … Tout cela va définir la troisième étape, celle des contenus qu’il va falloir créer pour nous adapter à ces écosystèmes. Nos actions ont été multiples en la matière.

 

Concrètement, sur quels types de contenus cela a-t-il débouché ?

Nous avons créé par exemple deux blogs. Entreprendre Autrement s’adresse aux personnes qui cherchent un projet d’entrepreneuriat pour leur montrer qu’il y a des alternatives à la franchise ou à leurs idées de départ, notamment dans le secteur de l’assurance. Les personnes intéressées par l’entrepreneuriat ne connaissant pas forcément les possibilités que l’on offre, ce site dédié permet de leur offrir un contenu utile, qui s’insère dans leurs démarches de recherches. Cela passe par des articles de fond, mais aussi par un livre blanc ou la possibilité d’être rappelé et conseillé. Les contacts générés sont nombreux, la visibilité aussi, avec plus de 18 millions d’impressions des articles sur les réseaux sociaux. Nous avons également créé le blog Just-Tech-IT sur la plateforme Medium. Nous y donnons la parole à nos experts Tech/Data qui peuvent y écrire des articles sur les technos qui les intéressent, partager des projets ou une expertise. Ils sont fiers de montrer sur cet espace sur quoi ils travaillent au quotidien, et cela est beaucoup plus susceptible d’intéresser leurs pairs, tout en valorisant nos experts.

Pour citer un autre exemple, nous avons lancé les webcasts l’an dernier. Nous faisions déjà des vidéos depuis un moment, et nous souhaitions innover en matière de contenu, tout en ajoutant une couche d’interactivité et d’échanges. Nous souhaitions mettre en avant nos experts en dépassant le format écrit. Cela a débouché sur ces webcasts, où l’on propose une grande variété de sujets : on peut proposer à des recruteurs de répondre pendant une heure aux questions des candidats, à un DSI de venir partager sa vision, ou même à un coach externe d’apporter quelques techniques pour développer sa résilience à des internautes en live.

C’est une manière de rendre un service aux gens, en leur permettant de bénéficier d’une expertise, de poser leurs questions aux bonnes personnes et le tout disponible en replay « à la carte ». Ce format a été particulièrement efficace avec la crise sanitaire de cette année car nous étions opérationnels pour proposer des événements digitaux en remplacement de rdv physiques.

 

 

Un de nos atouts est que notre stratégie est globale. Il est important d’avoir une cohérence sur tous les axes d’une présence : environnement mobile ou site internet, réseaux sociaux… Tous ces leviers sont importants, il ne faut pas se concentrer uniquement sur l’un d’entre eux. D’ailleurs, nous sommes passés en deux ans de la 36ème place à la 1ère place du classement Potentialpark de la meilleure stratégie digitale RH en adaptant cette stratégie de contenus. Pourquoi ? Parce qu’on s’intéresse réellement à nos prospects-candidats, ce n’est pas juste de la communication. Nous ne voulons pas nous tromper et cherchons à donner à notre candidat les éléments pour qu’il puisse également faire son choix, sans se tromper non plus. D’ailleurs, sur le site recrutement, nous avons même mis en place un espace conseil et même une hotline téléphonique. Nous prenons les appels dans l’équipe, cela nous permet d’avoir des feedbacks et d’adapter nos actions en conséquence.

 

Pour construire une stratégie de ce type, qui mêle à la fois RH et marketing, de quels types de profils doit-on s’entourer ?

Pour moi, le critère numéro 1, c’est l’attention à l’autre. Les soft skills sont importantes, de même qu’une forte capacité d’adaptation et de créativité. Si on est capable de s’intéresser à ce qui nous entoure, d’être curieux, beaucoup de choses peuvent s’apprendre. Si vous vous intéressez vraiment à mettre en place quelque chose qui parle à votre cible, vous allez vous intéresser à ce qu’elle lit, à comment la toucher efficacement, vous allez vous renseigner, allez chercher des informations, faire appel à des experts. Un raisonnement analytique permettra de faire le lien entre l’objectif et la manière de le mettre en œuvre. Et bien sûr, il faut une bonne capacité de communication pour coordonner tout cela et aller chercher les expertises là où elles sont. Mon principal critère de recrutement jusqu’ici a toujours été une tête bien faite et beaucoup d’envie !

Les compétences à développer et à mettre en œuvre sont ensuite nombreuses. Il faut une forte capacité de gestion, être multitâche et touche-à-tout sur le digital : social media, back-office de site interne, référencement, analytics, rédactionnel, montage vidéo … C’est un domaine passionnant, où l’on apprend beaucoup et tout le temps, avec un fonctionnement agile où l’on s’adapte en permanence. Et bien sûr, il faut être authentique, c’est la clé qui permettra d’attirer les candidats qui s’épanouiront chez nous !

Écoutez le replay du webinar "Comment enclencher l'inbound marketing dans votre entreprise ?

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